Le
28 décembre 1895 a lieu dans le salon indien au sous-sol du Grand
Café à Paris la première représentation
publique de dix " vues animées " du cinématographe
Lumière. Les deux frères de Lyon sont montés à
la capitale et sont les premiers à mettre au point une technique
complète de prises de vue, développements puis projections.
Bien avant eux, et ce, partout dans le monde, des essais, de plus en
plus performants, à visées scientifique ou récréative,
ont jalonné l'histoire du pré-cinéma, sans toutefois
parvenir à cette synthèse spectaculaire.
Clichés successifs d'E. Muybridge animés
en boucle par la suite.
On
citera le photographe et scientifique américain Edward Muybridge
qui enregistre en 1878 un cheval au galop à l'aide de douze
appareils déclenchés par l'animal lui-même coupant
des fils tendus sur la piste au long de sa course, ainsi que le
physiologiste Etienne-Jules Marey, qui perfectionne le système
en inventant un fusil automatique saisissant douze images sur une
plaque ronde.Thomas Edison l'inventeur du phonographe, est alors
très proche de devancer les frères Lumière,
mais il ne parvient pas à assurer une projection publique.
Les
frères Lumière, en plus de leur talent d'inventeurs, comprennent
très vite le potentiel de ce cinéma naissant. Ils filment
des saynètes du quotidien, telles une Sortie d'usine,
l'Arrivée d'un train en gare de la Ciotat, etc. Ils créent
de petites fantaisies avec leurs proches, telIes L'Arroseur arrosé.
Ils privilégient toutefois les vues du réel et envoient
des opérateurs aux quatre coins du monde afin de ramener des
images documentaires et d'actualités. Les films sont alors composés
de plans fixes, appelés plans-tableaux, qui inscrivent les protagonistes
de la scène à l'intérieur d'un décor saisi
dans sa totalité. Le montage n'est pas encore élaboré,
subtile, il s'agit plus alors de collages de plans autonomes et successifs.
Méliès
Dès
le début des projections Lumière, un prestidigitateur,
de surcroît directeur du théatre Robert Houdin, assiste
émerveillé au spectacle naissant. Il perçoit le
potentiel féerique et fantastique que le cinéma va pouvoir
apporter aux tours de magie exécutés sur scène.
Son nom, Georges Méliès. Dès 1897, il crée
un studio à Montreuil-Sous-Bois qui réunit les avantages
de l'atelier photographique et des planches de théatre sur une
très grande surface (17 mètres sur 66). Il fabrique des
décors de toiles peintes qui dressent le décor entier
de la scène filmée, toujours frontalement. Il combine
trucs de comédiens et effets spéciaux cinématographique.
Les surimpressions, les caches, les coupes " caméra ",
les fondus, les flous élaborent un style inédit aux antipodes
des vues Lumière. Le cinéma devient illusion fantasmagorique,
burlesque et insolite. Le spectateur est invité à un Voyage
sur la Lune dès 1902.
Pour
autant, il ne délaisse pas les actualités, et son engagement
pour certaines causes, comme l'Affaire Dreyfus (1899) le pousse
à reconstituer des événements historiques devant
la caméra. Sa production est abondante jusqu'en 1909, date à
partir de laquelle les spectateurs se détournent du cinéma
des pionniers et recherchent une narration plus poussée. Sa poésie
naïve passe de mode, la guerre achève de le ruiner totalement
et il abandonne tout à fait le cinéma pour finir assez
misérablement sa vie.