Histoire des Arts

 

 
 

Marc Chagall (1887-1985)

Marc Chagall marque le XXème siècle de son empreinte unique. Son style singulier puise tout autant dans la tradition populaire russe et juive que dans les avancées esthétiques les plus ardues des avant-gardes de son époque. Ses multiples voyages dans de multiples pays ont favorisé l'émergence d'un art qui témoigne d'une expression universelle, d'un art qui ne saurait se réduire à telle ou telle expression communautaire, russe, française, allemande,ou juive. L'Encyclopédie Universalis n'hésite d'ailleurs pas à le qualifier de " seul maître du merveilleux ingénu.".


Marc Chagall, Moi et le village, 1911

 

Le poids de la religion et du folklore

Cet enchanteur est né en 1887 à Vitebsk (Russie) dans une modeste famille juive très religieuse et très attachée au folklore. Il reçoit sa première formation artistique à Saint-Pétersbourg. Élève de Léon Bakst, qui s’oppose à tout académisme, Chagall, tout comme Malévitch, admire les icônes anciennes et s’en imprègne. Il séjourne à Paris de 1910 à 1913. Le poète Blaise Cendrars est son meilleur ami. Il s’inspire d’Apollinaire. Il s’installe à la Ruche où vivent aussi Modigliani, Soutine, Léger, Lipchitz. La pauvreté fait bon ménage avec le génie. Chagall use du cubisme en franc-tireur pour combiner les souvenirs de Russie et l’évocation de Paris, avec une palette très montée. En 1911, Moi et le village est montré aux Indépendants.

En 1914, son exposition à la galerie Der Sturm à Berlin influence l’expressionnisme allemand. Mais il doit rentré en Russie à cause de la guerre. Il épouse Bella, qui restera liée pour toujours au traitement du thème fondamental des amants. Son style est enfin mature et les années qui suivent sont pour beaucoup considérées comme les plus riches de sa carrière.

Il semble peindre d’un balcon entre ciel et terre ; ses images sont issues des nuages. Des quatre éléments, il ne retient que l’air, qui lui offre un milieu, une substance et un principe de gravitation. Là s’unissent, hors de tout contexte rationnel, les souvenirs, les rêves, les prémonitions et de cocasses fragments du réel. Sans pesanteur, sans hiérarchie, le coq et l’âne, le violoniste et la pendule, les bouquets et les anges, les amants et l’acrobate, la Torah et la croix fraternisent ; au-dessus scintillent les étoiles ; en dessous, des villages chaotiques résistent à la neige .

Chagall, Au dessus de Vitebsk, 1914


Chagall, Boutique à Vitebsk, 1914

Il peint quelques spectaculaires figures de juifs et de rabbins. Lorsqu'éclate la Révolution de 1917, Marc Chagall devient Commissaire des Beaux-Arts de la région de Vitebsk sur la proposition de Lounatcharsky, responsable du ministère de la Culture qu'il avait rencontré précédemment à Paris.

Ses peintures s'ancrent dans le quotidien. Une sorte de primitivisme violent vient réveiller les Beaux-arts de son temps, qu'il trouve trop bourgeois. Sa Boutique à Vitebsk n'est pas sans évoquer Gauguin. Sa démarche le rapproche des ".peintres de gauche " tels Larionov, Gontcharova, Malevitch... Mais son univers mêle inscriptions biographiques et dimensions intimes à une représentation du monde plus traditionnel. En cela, il s'écarte des cubo-futuristes russes qui dominent alors l'avant-garde.


Chagall Marc, Promenade, 1917-18

De retour à Vitebsk, Chagall fonde une école d'art, faisant appel à des peintres de toutes tendances. Devant la réaction négative de certains de ses collaborateurs, et de Malevitch en particulier, il s'installe en 1919 à Moscou et travaille pour le Nouveau Théâtre Juif. Il y réalise une série de décors et de costumes de théâtre, libérés des conventions et de l'anecdote : sur près de 8 mètres de long, il peint les panneaux allégoriques des arts, une frise et L'Amour sur scène. Les allusions au suprématisme abondent, humoristiques ou sarcastiques. Des acrobates font la culbute parmi les rectangles de couleurs pures. L'effigie désarticulée d'un Chagall radieux traverse sa peinture, une palette à la main. L'Amour sur scène, vu de loin, est une composition géométrique abstraite, toute de blanc et de gris. Vue de près, on y découvre un couple d'amants spectraux.

Mais les difficultés de la vie en Russie s'accroissent et le couple émigre à Berlin. Chez l'éditeur Cassirer, Chagall exécute alors ses premières eaux-fortes, qui illustrent son ouvrage autobiographique Ma vie (1922).

Un peintre poète

En 1923, Chagall revient en France. Il a reçu un télégramme de Cendrars: « Reviens, tu es célèbre, et Vollard t’attend». Avec Bella, il retrouve Paris, son « second Vitebsk ». Bientôt il met en chantier l’illustration de trois livres monumentaux commandés par Vollard et publiés après la mort de ce dernier : Les Âmes mortes de Gogol, les Fables de La Fontaine et la Bible.

En 1931, un voyage en Palestine, Syrie et Égypte, où il retrouve l’atmosphère de la Bible, le marque profondément. Son œuvre gravé prend une importance égale à celle de l’œuvre peint. Les recherches en noir et blanc enrichissent la texture des huiles et diversifient les valeurs de sa palette. Il ne compartimente plus ses compositions. Personnages humains et animaux, enchevêtrés aux collines et aux fleuves, déroulent leurs métamorphoses en couleurs rayonnantes, chargées d’expression symbolique, qui dévorent les contours, arrondissent les masses, abolissent la perspective traditionnelle.

Peu avant 1940, l’angoisse perce à travers les Crucifixions ; La Chute de l’ange est une toile dramatique ; même les scènes de cirque se doublent d’allusions menaçantes. En 1941, Chagall se réfugie aux États-Unis. Il crée décors et costumes pour le ballet Aleko, puis, après la mort de Bella, il travaille pour L’Oiseau de feu, de Stravinski, qui sera monté à l’Opéra de New York. Rentré en France, il réside à Saint-Germain-en-Laye, au cap Ferrat, puis à Vence. Son inspiration se renouvelle peu, mais la part faite aux fleurs et aux paysages s’élargit ; les visions de Paris forment une série particulièrement poétique ; la part faite aux thèmes bibliques s’accroît.
Chagall, Chute de l'ange, 1941

Chagall, Baptistère, Plateau d'Assy, 1950

De nombreuses rétrospectives le consacrent et diverses commandes officielles l’honorent. Il s’intéresse à la céramique, fait quelques sculptures, conçoit deux vitraux pour la cathédrale de Metz. Alors, le funambule, « qui chaussait de rouge son pied droit et de vert son pied gauche » (A. Salmon), découvre une nouvelle vocation. Douze vitraux pour la synagogue du centre médical de Jérusalem, inauguré en 1962, représentant les tribus d’Israël au moyen de symboles d’animaux, sont un apport saisissant tant à l’art sacré qu’à l’histoire du vitrail. À la demande d’André Malraux, Chagall redécore le plafond de l’Opéra de Paris, inauguré en 1964. La fresque évoque le ballet Le lac des cygnes de Tchaïkovski et l'opéra Boris Godounov de Moussorgski. Depuis lors, les œuvres monumentales, vitraux, mosaïques, tapisseries, peintures murales, se sont multipliées. Citons deux peintures murales pour le Metropolitan Opera, à New York, des vitraux pour la Fraumünster de Zurich ainsi que pour la cathédrale de Reims. En 1973, s’est ouvert à Nice le Musée national « Message biblique Marc Chagall » grâce à un don du peintre et de sa femme Valentina à la France.

L’œuvre de Chagall a introduit la métaphore poétique au cœur de la peinture.

 

http://histoiredesarts.9online.fr (2003)

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