Histoire des Arts

 
 

La Ville au tournant des années trente.

Metropolis, Fritz Lang, cinéma muet noir et blanc, 1926.

Metropolis, 2026. A l'étage des hommes libres, Joh Fredersen règne sur l'immense cité verticale, alors que le peuple misérable de la ville souterraine s'épuise au travail sans voir la lumière du jour. Son fils Freder tombe amoureux de Maria, qui prône une révolte non violente des ouvriers. Rotwang, un savant fou, construit un robot à l'image de Maria pour semer la haine et la discorde...

Les qualités plastiques du film n'ont pas pris une ride. Les premières scènes d'exposition de la ville Metropolis imbriquent plusieurs niveaux de sens que la narration seule ne pourrait faire surgir. La lumière, de plus en plus blanche au fur et à mesure que l'on s'élève dans la cité, les points de vue adoptés par la caméra dans la zone souterraine, toujours frontaux, masquant toute ligne de fuite, avec des plans fermés, perpendiculaires au cadre, et, au contraire, décentrés dans les jardins extérieurs, ouvrant l'espace au hors champ de l'image, accentuent la ségrégation sociale.

Les références à Babel, omniprésentes, apportent un contrepoids à cette organisation sociale qui se justifie par la recherche d'une ville paradisiaque pour ses enfants. La première apparition de Maria soulève cette contradiction. Elle est entourée de gosses qu'on empêche d'aller jouer dans le parc. Joh Fredersen, maître de la ville, du haut de sa " Nouvelle tour de Babel ", voudrait se mesurer à Dieu en maîtrisant les destins des uns et des autres. Son meilleur ami, Rotwang, tente de recréer une Maria bionique. La ville et ses dirigeants sont devenus orgueilleux. La cité doit créer une nouvelle forme d'humanité parfaite. Mais, sous prétexte d'apporter plus de bonheur et de loisirs à ses concitoyens, elle les a en réalité pliés sous son joug. Les exclus sont nombreux et sans amour. L'exemple de Babylone n'effraie pas Fredersen, mais nous pressentons que le destin de la ville ne peut être celui-là.

Si l'on se réfère à la période de création de ce film, on constate que l'Allemagne est en pleine crise malgré les prêts américains de 1926. Les grandes villes, symbôles d'une richesse industrielle nouvelle avant-guerre, plongent dans une violence économique aigüe de plus en plus affirmée. L'écart entre les différentes classes sociales est énorme, et les classes moyennes vivent au quotidien dans l'insécurité financière et professionnelle. Fritz Lang se projette en 2026 pour mieux montrer la folie qui règne déjà dans les centres urbains. Ce regard porté sur la ville est partagé par nombre de ses contemporains (cf. Grosz).


 

http://histoiredesarts.9online.fr (2003)

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