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L'Exposition
Internationale
" Arts et Techniques appliqués à la vie moderne ",
Paris 1937.
Couvrant
tout un quartier de Paris, de la colline de Chaillot à la place
d’Iéna, l’Expo, comme on l’appelait, couvrait une superficie
totale de 100 hectares. C’est à cette occasion que le Palais
du Trocadéro fut démoli et remplacé par l’actuel
Palais de Chaillot, monument plus sobre. Le peintre Raoul Duffy a confectionné
pour la circonstance une gigantesque fresque de 600 mètres carrés
représentant la Fée électricité.
Véritables
vitrines des techniques et esthétiques nationales, l'Exposition
fut l'occasion pour les grandes nations européennes de montrer
leur puissance.
Palais
de Tokyo
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Avec
leur langage formel monumental et leurs colonnades colossales,
le Palais de Chaillot, en face de la Tour Eiffel, place du Trocadéro,
et le Palais de Tokyo, aujourd'hui transformé en plusieurs
musées d'art moderne et contemporain, forment la toile
de fond de l'exposition.
Il
y a encore quelques batiments "modernes", mais on constate
surtout la réalisation d'édifices aux formes simplifiées
du néoclassicisme international des années trente.
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Les
Allemands et les Soviétiques, dont les pavillons sont face à
face, semblent redoubler de gigantisme guérrier, trahissant les
aspirations hégémoniques des deux systèmes. Grâce
à une mise en scène très élaborée
et une statuaire volontaire, les deux édifices s'affrontent,
annonçant tout haut ce que tout le monde pressent déjà.
Pavillon
allemand |
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Pavillon
soviétique
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Le
pavillon soviétique de l'architecte Boris Iofan est constitué
d'un bâtiment en gradins, érigé sur un socle. Sur
son sommet, un groupe de sculpture de Vera Moukhina couronnele tout,
le transformant à son tour en deuxième socle ! Les deux
figures héroïques symbolisent l'ouvrier et la femme du Kolkhoze
qui semblent monter à l'assaut en brandissant les emblèmes
de l'Union Soviétique, la faucille et le marteau. L'esthétique
réaliste socialiste triomphe alors et complètement evince
l'art abstrait et plus intellectuel des constructivistes russes de la
décénie précédente.
Quant
à l'architecture nazie d'Albert Speer, elle s'oppose malgré
la présence écrasante des statues, à l'architecture
dynamique soviétique. La tour très statique fut comparée
à l'époque à " une caisse en carton à
colonnes".
Mais
il ne faudrait pas uniquement se focaliser sur l'URSS, l'Allemagne ou
l'Italie au style néoclassique. Si le retour à l'ordre,
comme certains historiens d'art ont défini cette période,
se fait pressant, le talent des artistes est là pour contredire
toute simplification. Et l'exemple le plus illustre revient à
Picasso, qui réalise Guernica pour le Pavillon espagnol.
Pablo
Picasso,
Guernica
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La
ville espagnole vient d'être bombardée par l'aviation allemande
afin de soutenir Franco. Picasso rend hommage aux victimes et s'élève
contre cette barbarie, que le titre de l'Exposition internationale,
" Arts et Techniques appliqués à la vie moderne ",
rend encore plus cynique et violent. De la ville moderne il ne reste
plus que ruines et une ampoule électrique, dont les rayons lumineux
sont peints comme des flammes dirigées vers le bas ou gisent
les derniers survivants.
Henri
Laurens, sculpteur d'abord influencé par le cubisme, et qui,
la maturité venant, célèbre de plus en plus les
créatures féminines, invente tout un monde sensuel et
grave qu’il ne cessera d’enrichir sa vie durant et pour lequel Maillol
puis Matisse ne cacheront pas leur sympathie. Pour la plupart confiées
au bronze, ces nymphes, ces ondines, ces centauresses, population joyeuse
d’une mythologie familière, conservent, quel que soit leur format,
un incontestable caractère monumental. Sa participation à
l'Exposition internationale est très importante.
Henri
Laurens,
La Grande musicienne |
Cette
Grande musicienne toute en formes rondes et pleines élève
ses notes au ciel. Magré son corps voluptueux, elle semble
bien plus légère et joueuse que les statues bordant
les édifices des nations totalitaires.
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Un
autre artiste se révèle lors de cette manifestation. Il
s'appelle Nicolas Schöffer. D'abord peintre, puis sculpteur, urbaniste,
architecte, théoricien de l'art, Nicolas Schöffer se toune
vers la recherche fondamentale en art, il crée surtout à
l'échelle de la ville, dans laquelle il veut redonner aux hommes
de notre époque le plaisir de vivre à l'abri de toutes
sortes de pollutions visuelles autant qu'auditives.
Père
de l'Art Cybernétique, donc de l'interactivité, comme
on dit maintenant, il voulait apporter une vision prospective et non
passéiste de l'art qui devait aider l'homme d'aujourd'hui à
évoluer en prise directe sur les véritables possibilités
créatrices et libératrices de notre époque.
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